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1ère halte : l'Ancien Monastère de Sainte-Croix, noyau d'électrons écologiques

Centre d’accueil international situé dans la Drôme, l’Ancien Monastère de Sainte-Croix est la première étape de notre périple. Nous l’avons découvert par le biais du réseau de chantiers participatifs Twiza car l’équipe du monastère sollicitait l’aide de volontaires pour s’occuper des jardins. Nous avons sauté sur l’occasion de participer à un chantier collectif dans un cadre paisible et chargé d’histoire, qui plus est au contact de plantes médicinales.



Lorsque nous sommes arrivés sur la place du village, après avoir emprunté d’étroites ruelles, un édifice en pierres se distinguait à travers les platanes aux feuilles jaunies par l’automne.

Surplombée de deux clochers, ce qui nous semblait être l’église de l’Ancien Monastère se dressait devant nous. À droite, contre un muret coupé en deux par un escalier, les premières traces des jardins se faisaient jour dans des parterres d’arbustes et de plantes décoratives. À quelques mètres, un mur composé d’une ouverture s’élevait en parallèle et laissait entrevoir des arbres jaunes d’or sur fond de montagnes vertes et orangées. Face à nous, un portail ouvert nous invitait à entrer dans la cour du cloître.

Nous y rencontrons Frédéric Sauvage, le directeur de l’actuel projet d’accueil international du nouveau monastère qui nous évoque brièvement l’histoire du lieu.

Érigé au XIIe siècle, le monastère abrita des chanoines de l’Ordre des Antonins jusqu’en 1777, date à laquelle les moines furent rattachés à l’Ordre de Malte. Parmi leurs missions, les moines accueillaient des pèlerins et soignaient des malades atteints du « mal des Ardents ». Semblable à la lèpre, cette maladie fit des ravages dans toute l’Europe au cours du Moyen Âge. L’une des solutions entreprises pour favoriser la guérison résidait dans l’élaboration d’un remède à base de plantes prélevées dans les jardins du monastère. Nous apprenons également que l’église est en fait divisée, depuis 1805, entre une chapelle catholique et un temple protestant. D’ailleurs, cette cohabitation religieuse n’est pas récente puisque dès le XVIe siècle, durant les guerres de religions, Die devînt la capitale du protestantisme dauphinois.


Aujourd’hui, l’Ancien Monastère poursuit une mission d’accueil à forte dimension sociale. Ses pieds sont bien ancrés dans le territoire et cela se traduit tout d’abord par son modèle juridique : une SCIC (Société Civile d’Intérêt Coopératif) porte et développe ses activités. Cette forme administrative fonctionne grâce au soutien d’une centaine de sociétaires et permet à un groupe de citoyens - une quinzaine de membres constitue actuellement le conseil d’administration - d’être décisionnaire dans la conduite du projet. L’enjeu de la SCIC est de placer l’humain au centre d’une entreprise solidaire et sociale. Nous en avons d’ailleurs observé les retombées dans le fonctionnement de l’Ancien Monastère. Chacun des membres de l’équipe a son mot à dire et participe à l’organisation de son pôle en entretenant des rapports horizontaux avec les autres. En outre, dans un esprit d’entraide, il n’est pas rare de voir Fred, le directeur, ou Alain, le coordinateur, prêter main forte au service ou à la plonge en période d’affluence dans le centre. De même, nombreux sont ceux qui s’investissent bénévolement qu’ils soient membres de la SCIC, producteurs de la vallée ou habitants du village. On a constaté leur implication lors d’évènements culturels qui ont eu lieu à l’Ancien Monastère durant notre séjour. Par ailleurs, à l’instar des moines qui accueillaient les laïcs pour réaliser des travaux manuels ou dans les champs contre le gîte et le couvert, l’équipe de l’Ancien Monastère met l’accent sur l’échange et donne une place importante au volontariat en l’inscrivant au sein de sa démarche.




Notre contribution :



Hivernage du jardin botanique


Le parc de l’Ancien Monastère s’étend sur 2 hectares et s’organise en terrasses. Il est composé d’un arboretum, d’un jardin d’agrément et de deux collections : un jardin botanique et un jardin de plantes tinctoriales. C’est dans le jardin botanique que nous sommes intervenus.

Nous avons taillé des plantes et des arbustes à la faucille pour éviter que leurs tiges ne gèlent durant l’hiver afin de les préserver jusqu’au printemps prochain. Puis, s’en est suivit le désherbage du chiendent et du liseron pour dégager le sol et assurer le bon développement des plantes au sein du jardin botanique. Ce modèle d’agencement des plantes répond à des enjeux précis : transmettre une connaissance scientifique des végétaux classés par espèce et par famille dans un espace conçu pour être à la fois didactique et esthétique. Enfin, nous avons contribué à l’épandage d’engrais naturel (fumier d’ânes) et au paillage des surfaces pour, respectivement, permettre au sol de se nourrir et l’isoler du froid.

Aide quotidienne au fonctionnement du lieu

Notre implication au sein de l’ancien monastère ne s’est pas arrêtée au jardinage. Nous avons également participé à des tâches quotidiennes telles que la mise de table, le service et la plonge et réalisé une trappe isolante en bois pour fermer l’accès au grenier. En outre, nous avons apporté notre aide durant les événements culturels programmés par la structure : la célébration du jumelage européen de la vallée du Diois et Les Éphémères. Persuadés que la coopération entre différents secteurs d’activités joue un rôle majeur dans le développement d’un territoire, la dynamique culturelle de l’Ancien Monastère a largement pesé dans notre décision de nous rendre à Sainte-Croix. Principalement axé autour du cirque, le festival Les Éphémères s’articule entre la présentation de créations de danse, de théâtre, de cirque et de magie et des temps d’échanges conviviaux au gré d’un morceau de jazz en sirotant de la clairette ou le temps d’un atelier ludique.

La garde des chèvres


Oda & Jochen élèvent des chèvres dans la vallée du Diois depuis une trentaine d’années. Forts de cette expérience et secondés par deux employés, ils usent de tout leur savoir-faire pour produire un excellent picodon, un fromage de chèvre typique de la région. Dans un élevage caprin, la garde est un rituel quotidien au cours duquel les bêtes se dégourdissent les pattes tout en grignotant les herbes et les arbustes qu’elles croisent. Les chèvres semblent connaître tous les détours du chemin emprunté par le berger. Alertes, elles suivent scrupuleusement ses déplacements, à leur rythme, marquant parfois des pauses afin d’affirmer leur place au sein du troupeau, à grands coups de cornes.




Nos ressentis :


Lieu de retraite, calme et apaisant pour des individus en quête de repos, l'Ancien Monatère de Sainte-Croix représente également un espace de réflexion ou de concrétisation de projets humains et artistiques.

C’est le cas de Lise-May, jeune diplômée de naturopathie qui avait ce projet professionnel en gestation lorsqu’elle est arrivée à l’Ancien Monastère comme volontaire pour s’occuper des jardins. À l’heure où nous rédigeons ces lignes, elle a déposé plusieurs dossiers auprès de la SCIC. Elle souhaite notamment proposer ses services de naturopathe et recréer le baume que les moines appliquaient sur les plaies des malades. Quant à Gerlinde, maquilleuse belge, blonde de surcroît, pour qui la Drôme sonne comme un « rêve » en flamand, son histoire avec l’Ancien Monastère remonte à quelques années déjà. En 2008 et en 2012, elle y effectue des stages culturels puis, décidant de donner une impulsion nouvelle à sa carrière, elle se tourne vers l’herboristerie. Sa formation en poche, elle revient visiter le Centre d’Accueil International à deux reprises en 2017, cette fois comme volontaire. C’est l’occasion pour elle de mettre en pratique ses connaissances dans les jardins du Monastère et de rencontrer les producteurs locaux de plantes, se tissant un réseau important qu’elle compte bien solliciter dans un avenir proche. Elle souhaite faire revivre les stages d’herboristerie de l’Ancien Monastère et utiliser les plantes tinctoriales dans le but de réaliser des maquillages biologiques. L’Ancien Monastère confirme donc son rôle d’incubateur de projets en encourageant la création de professions reliées à la nature. Son implication dans le territoire touche également les artistes locaux qui peuvent exposer leur travail au sein du centre donnant l'occasion aux amateurs de se rencontrer et d'échanger le temps d'une soirée.

Cette dynamique s’accorde avec harmonie à celle du Diois dont les habitants nous ont semblé très sensibles à l’écologie, tant au niveau environnemental qu’humain. À ce sujet, l’association Écologie au Quotidien a retenu notre attention. Ses actions de « sensibilisation, d'information et de formation des habitants sur l'impact de nos modes de vie et de nos choix de consommation sur l'environnement, la santé, la société et le vivant en proposant des alternatives et des transitions » connaissent leur apogée pendant les Rencontres de la Citoyenneté et de l’Écologie qui auront lieu à Die du 24 janvier au 4 février 2018. Ce rendez-vous humain basé sur l’échange et le débat citoyen contribue à développer un réseau national d’acteurs de l’écologie. Les intervenants sont choisis sur la base des trois écologies – intérieure, sociale et environnementale (Félix Guattari, 1989) aussi bien dans les domaines scientifiques, éducatifs et artistiques que dans les champs économiques, techniques, psychologiques et sociologiques. Cette énergie citoyenne s’observe également dans le cas de Saillans, un village dont les citoyens ont repris les rênes, détrônant les politiciens pour une démocratie directe où l’avis de chaque habitant compte dans la prise de décisions. Malgré certaines faiblesses – la remise en question de la démocratie participative pour des sujets jugés anecdotiques et la marginalisation de la ville vis-à-vis de l’intercommunalité – il est évident que cette implication des habitants comme experts d’usage de leurs lieux communs est une avancée incontestable vers une société saine.

C’est au détour d’une conversation avec Alain au sujet des initiatives sociales collaboratives qu’il nous a invité à visiter Habiterre, un habitat groupé dont il est cofondateur. Situé à Die, Habiterre offre une autre approche de la propriété à laquelle on peut accéder via des parts sociales et ce, malgré de faibles revenus. Une charte définit une écologie humaine et matérielle où l’habitat s’élabore dans l’écoute des besoins et des envies de chacun. L’accent est mis sur l’environnement avec l’emploi de matériaux naturels et la mise en commun des énergies (bois, électricité, eau), des espaces (jardins, maison commune, garage) ainsi que des outils et des objets. Une épargne solidaire fait fonctionner la maison commune qui réunit les habitants autour de repas, de fêtes ou de réunions. Puis, des activités en tout genre y sont organisées (bals, concerts, stages, séminaires) et un lien vers l’extérieur se tisse alors. C’est toute la notion de propriété qui évolue. On ne détient plus un bien immobilier pour l’investissement financier qu’il représente mais un rôle au sein d’un projet d’habitat, un investissement humain en somme. Cela modifie notre rapport au lieu de la maison laquelle ne reste pas figée et peut être amenée à changer au cours de la vie de ses habitants. Par exemple, une famille de six personnes nécessite une grande maison à son arrivée mais, au bout d’un moment, les quatre enfants grandissant et quittant le nid, l’espace autrefois occupé se vide. Il devient impertinent que deux personnes se partagent tant de pièces. En libérant une partie de sa maison, cette famille permet à de nouvelles personnes de s’installer dans l’espace vacant, au sein d'un cadre idyllique face à la montagne Le Glandasse.

À nos yeux, l’Ancien Monastère est comme le cœur d’une galaxie écologique – la vallée du Diois – dans laquelle coopèrent producteurs et partenaires, artistes et habitants, clients et salariés autour de projets multiples. C’est une plaque tournante de l’économie locale et surtout, du vivre ensemble au sein du territoire diois.

C'est donc avec un pincement au coeur pour cette magnifique région tout juste découverte que nous avons mis les voiles le vendredi 3 novembre. Après avoir partagé un dernier repas en compagnie d'un partie de l'équipe de l'Ancien Monastère, nous avons fait nos adieux, certains de revenir, rassurés d'avoir laissé un peu de nous par l'entremise de nos graines.


Nous remercions chaleureusement toutes les personnes qui nous ont accueillis durant notre halte à l'Ancien Monastère.


Pour plus d'informations sur l'Ancien Monastère, le site web : http://www.le-monastere.org/

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