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6ème halte : Autonomie en Loire-Atlantique

Au cours du mois d’avril, nous avons vécu douze jours avec des pionniers de l’autonomie énergétique en France. Nous sommes allés les trouver en Loire-Atlantique près de Moisdon-la-Rivière où ils vivent dans le lieu-dit « Gros-bouc », au sein de l’écohameau du Ruisseau - un hameau est un regroupement d’habitats en milieu rural. Depuis six ans, cet écohameau rassemble quatre foyers qui partagent et mettent en pratique des valeurs écologiques et solidaires. La particularité de cet écolieu est la recherche d’autonomie globale avec comme élément moteur l’autonomie énergétique.

L’aventure remonte à l’année 1976, lorsque Brigitte et Patrick Baronnet s’installent à la campagne où ils pourront tranquillement accorder leurs actes avec leurs idées en concrétisant l’écologie à l’échelle familiale. Ils souhaitent être en relation harmonieuse avec la nature or, la société comporte des contradictions qui les en empêchent. Pour s’en libérer et mener une vie de bon sens, l’autonomie leur apparaît désormais comme une évidence.

Ainsi, ils commencent par remettre en question la dépendance au nucléaire. Cette énergie issue des réactions de fission des noyaux atomiques au sein de réacteurs fournit de l’électricité depuis 1951 aux États-Unis et depuis 1956 en France. Cette dernière est l’un des pays les plus dépendants du nucléaire. Selon un rapport d’EDF, en 2013, le nucléaire procurait 10,6 % de l’électricité mondiale, soit 2 478,2 TWh quand, en 2014, la part du nucléaire dans la production française d’électricité correspondait à 77 % soit 415,9 TWh. De cette exploitation résulte un grand nombre de déchets – en France, leur volume s’élevait à 1 320 000 m3 en 2010 (source : ANDRA) – lesquels ne sont ni recyclables ni utilisables et dont on ne peut se débarrasser du fait de leur radioactivité. La méthode employée actuellement consiste à les conditionner en fonction de leur taux de radioactivité (plastique, béton, métal, acier) et à les stocker en attendant qu’ils redeviennent inoffensifs.

Conscients des conséquences environnementales de cette énergie atomique, le couple Baronnet réfléchit à des solutions alternatives pour se fournir en électricité. Ils fabriquent alors leur propre chauffe-eau solaire et aménagent une éolienne ainsi que des piles photovoltaïques.

Puis, c’est au tour de l’eau d’être questionnée dans sa provenance comme dans l’usage qui en est fait. Cette source de vie n’est pas accessible librement car elle fait l’objet d’un marché qu’il soit public ou bien privé. Le premier apporte aux habitants une eau potable, c’est-à-dire bactériologiquement traitée ; mais sa gestion engendre des coûts importants par la pose de réseaux d’adductions et par la construction et le fonctionnement d’infrastructures d’épuration des eaux usées. En outre, les propriétés de l’eau du robinet sont largement remises en question quand on sait qu’elle peut contenir des résidus d'engrais azotés, des traces de produits phytosanitaires, des nitrates, des herbicides comme l'atrazine et la simazine, des insecticides, du plomb, ou encore de nombreux médicaments tels que les pilules contraceptives. Quant au secteur privé, il fournit aux hommes de l’eau en bouteille ce qui revient à produire des déchets plastiques. De plus, certains des composants des bouteilles en plastique comme les phthalates et le BPA en contaminent le contenu rendant la qualité de l’eau douteuse.

Face à ce système, des techniques existent pour avoir accès à une eau saine et gérer ses propres eaux grises. Il s’agit de la récupération et la filtration d’eau de pluie et de l’épuration par les plantes (phyto-épuration). Pour compléter ce tableau d’une gestion hydraulique indépendante, Brigitte et Patrick équipèrent leur maison en toilettes sèches afin d’éviter le gaspillage d’eau ; une chasse tirée peut consommer de 9 à 18 litres d’eau en fonction du modèle. En plus, ce procédé génère un compost qui enrichit la terre. Ainsi, la boucle de l’autonomie est bouclée avec la création d’un potager vivrier qui assure une alimentation végétalienne minimum.


« Ainsi, à travers cet engagement majeur de nourrir notre corps en vue d’une pleine réalisation de soi, c’est un hymne à la vie que nous semons pour une réconciliation entre la Terre et les Hommes. »

La Maison Autonome


Ce mode de vie concerne tous les éléments essentiels : boire, se nourrir, se loger, se chauffer, se laver. Il implique d'admettre d’autres formes de dépendances lesquelles reposent sur des substances naturelles. Il faut alors en accepter l’incertain, l’aléatoire et s’adapter en adoptant une attitude de consommation énergétique raisonnée. Avec sa Maison Autonome, la famille Baronnet produit toute l’énergie nécessaire à son quotidien depuis une trentaine d’années. Ce faisant, elle s’est libérée des contrats, de la dépendance et de la vulnérabilité vis-à-vis d’un système qui capitalise nos besoins par des procédés polluants et dilapidateurs de ressources.

Les solutions écologiques proposées par la Maison Autonome fonctionnent très bien en milieu rural mais qu’en est-il de leur application aux logements urbains ? En ce début de XXIe siècle où toutes les alarmes sonnent et le mercure des thermomètres atteint son point de non retour, il est urgent de s’organiser pour mettre en place, à la ville comme ailleurs, ces changements qui ont fait leur preuve. À la Maison Autonome, les outils d’autonomisation sont partagés à travers des visites du site, des stages et des écofestivals organisés sur place depuis la fin des années 1990. Cette question de la transmission de ce qu’ils ont accompli prend tout son sens dans le projet de l’écohameau du Ruisseau amorcé en 2012.


Ce hameau écologique comprend la Maison Autonome de Brigitte et Patrick, l’Habiterre occupée par Terra, la yourte de Cécile, Olivier et leurs enfants Jolan et Méline. Ces derniers construisent actuellement leur maison dans un ancien hangar en utilisant des techniques et des matériaux écologiques comme l’isolation en terre-paille et les murs en bottes de paille et en ossature en bois.

Une salle participative mobilise les habitants dans l’organisation ou l’accueil d’activités culturelles et de stages autour de l’autonomie, de l’alimentation ainsi que du bien-être. Situés sur le terrain de la Maison Autonome, la Maison 3E (Ecologique, Economique, Entraide) et le Zome sont également des espaces dédiés à la réception de publics. La renommée de ce hameau est telle qu'au cours des deux semaines passées sur le site, deux chaines de télévisions nationales ont rendu visite aux habitants.

Accueillir des volontaires permet de redoubler la transmission auprès du public. La plupart du temps, ils sont accueillis dans le cadre de chantiers participatifs. En ce qui nous concerne, notre séjour s’est inscrit dans une démarche d’observation du quotidien des habitants de l’écohameau auxquels nous avons apporté notre aide.


Terra souhaitait réaliser les finitions de la menuiserie du mur extérieur du hangar-atelier collectif. Olivier isolait un mur de sa future chambre en terre-paille. Cécile avait des plants de fraises à nettoyer. Patrick remplaçait le ballon d’eau de la Maison Autonome. Brigitte prévoyait de nettoyer le potager et de semer des betteraves, des pois, des courgettes, etc. Et, tous ensemble, nous avons planté les pommes de terre dans le Mandala, le jardin collectif de l’écohameau qui reçoit les légumes à maturation lente.


À l’instar des 3E de la maison du même nom, l’écohameau du Ruisseau regroupe des personnes animées par des convictions communes : s’entraider, avoir un comportement écologique et répartir les frais d’organisation et de gestion courante.



De la Maison 3E où nous avons pris nos repas au Zome, lieu idéal le temps d’une sieste digestive avant de reprendre l’activité.




Au cours de notre séjour, nous avons observé et utilisé au quotidien des techniques employées pour parvenir à une autonomie énergétique.


> L’éolienne de 18 m de haut couplée à des panneaux photovoltaïques de 6m2 assurent la consommation moyenne de 5 KW/h par jour de la famille Baronnet composée de six personnes pendant plus de dix ans. L’énergie est stockée dans des batteries reliées à un convertisseur du courant continu 24 V en courant alternatif 220 V.

Pour en savoir plus sur le modèle de l’éolienne Piggott (du nom de son inventeur), allez faire un tour par ici.


> La phyto-épuration est une méthode d’assainissement de l’eau par les plantes. Pour en savoir plus, cliquez ici, , et là-bas.


> Les toilettes sèches sont composées d’un seau ou d’une poubelle qui reçoit les déchets humains. À la place de l’eau, on utilise de la sciure sèche de bois pour recouvrir les excréments et annihiler les odeurs. Puis, lorsque la coupe est pleine, on vide le récipient dans un bac à compost. Les déchets organiques sont mélangés à de la paille « pré-activée » (paille piétinée dans de l’eau) qui fait monter le tout en température. Par ce procédé, les agents pathogènes tels que les médicaments ou les pilules sont éradiqués et, au bout de six mois, on obtient un riche fertilisant pour les végétaux. En plus de nourrir la terre, les toilettes sèches ne polluent pas et permettent d’économiser des milliers de litres d’eau par personne.


> L’eau qui ruisselle des toits est récupérée dans des citernes en ciment au moyen de gouttières qui guident l’eau des précipitations vers les fosses. Cette eau, nettoyée par une série de filtres (pierre, sable, céramique), est montée sous pression aux robinets par une pompe alimentée en électricité par le soleil et le vent.d’économiser des milliers de litres d’eau par personne.


> Une serre placée sur la face sud d’un habitat permet de le chauffer l’hiver. Il suffit d’ouvrir les portes et les fenêtres donnant sur la serre, ce qui offre également le confort de ne pas avoir à sortir pour y récolter des plantes régulièrement consommées.


> Le poêle et la cuisinière à bois avec bouilleur sont pourvus d’un réseau de tuyaux passant près du foyer afin de chauffer l’eau qui s'y trouve, à l’instar d’un chauffe-eau solaire.


> Nous avons goûté à la cuisine au four solaire dont nous vous laissons découvrir le fonctionnement ici.



Parmi ces outils, nous avons choisi de présenter de manière un peu plus détaillée le chauffe-eau solaire qui fut une réelle découverte pour nous.


Schéma simplifié d’un système de chauffage d’eau solaire

1. Le panneau solaire de cette installation consiste en un réseau de tuyaux en cuivre qui serpentent dans un caisson, le tout peint en noir afin de mieux capter l'énergie du soleil, et recouvert d’un plexiglas fermant le caisson et permettant d’amplifier la chaleur grâce à l’effet de serre.

L’eau chauffée dans le serpentin est envoyée vers le ballon au moyen d’une pompe.


2. Ici, le ballon rempli d'eau sanitaire possède une double paroi et un système de double échangeur. Cette configuration permet d’isoler l’eau sanitaire de l'eau chauffée par les tuyaux en cuivre.

L’eau utilisée dans les panneaux solaires passe par un tuyau situé autour ou dans la cuve d’eau sanitaire ce qui permet de la chauffer.

Sur certains modèles, un second réseau d’eau peut serpenter autour de la cuve afin d’être réchauffé à son tour et d'alimenter un réseau de chauffage à eau.


3. L’eau sanitaire dessert le réseau d’eau de l’habitat.


4. L’eau chaude sanitaire peut être envoyée vers la machine à laver, ce qui permet de faire un lavage à la température souhaitée grâce à un mitigeur situé entre la machine et le ballon. De cette manière, on ne sollicite pas la résistance de la machine à laver qui représente une part plus que considérable de la consommation électrique de cet appareil.


Pour découvrir d’autres outils d’autonomisation, allez vous promener .




L’autonomie : atteindre l’auto-suffisance, pour quelles raisons ?


Lorsqu’on commence à songer à l’autonomie – et plus spécifiquement à l’indépendance énergétique – on se rend rapidement compte que cela ne se résume pas à « faire des économies ». Cette recherche d’autonomie débute par une remise en question de l’utilisation des ressources naturelles et de l’impact des énergies conventionnelles sur l’environnement. Cette quête chamboule nos habitudes les plus ancrées. C’est un virage qui nous conduit vers une vie harmonieuse avec la nature. Enfin, en construisant soi-même ses outils, on en comprend mieux tous les mécanismes. Cela nous permet d’en assurer la maintenance plus aisément afin de gratter un peu plus d’indépendance. Et, surtout, l’élaboration de ses propres appareils apporte une profonde valorisation personnelle.










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