top of page

2ème halte : les Jardins des Partages





Voyage autour du monde à vélo & prémices du projet


Tout a commencé par un voyage autour du monde à bicyclette. Depuis le lycée, cette idée germait dans la tête de Romain. Quelques années et expériences plus tard – passer son bac, suivre une formation, en décrocher le diplôme et fouler le sol escarpé du marché du travail, pour mûrir son projet et en assurer le financement – Romain se lançait dans la préparation de son aventure. Le Cycle de la Terre : un voyage à la rencontre des initiatives agroécologiques dans le monde. Une phase préliminaire d’un an fut nécessaire à l’élaboration de l’itinéraire, au repérage des projets en chemin et à la constitution de son équipement sur roues.

Puis, c’est par une belle matinée ensoleillée du mois d’Octobre 2013, encouragé par des villageois, des voisins, des amis et de la famille que Romain quitta Saint-Bauzille-de-Montmel, dans l’Hérault, pour prendre la route. De l’Ardèche jusqu’en Malaisie, en passant par l’Italie, l’Iran, l’Inde et le Népal, il s’impliqua dans plusieurs fermes, coopératives et associations où il expérimenta une agriculture écologique, entre agroforesterie et permaculture.

Au cours de son cyclotour, Romain croisa le chemin de Victoria, jeune femme en quête de réponses et d’alternatives écologiques concrètes face à une formation trop théorique à son goût. Elle décida de l’accompagner sur des morceaux de son trajet, en Inde par exemple ou encore pendant son passage aux États-Unis. Au bout d’un peu plus de deux ans et près de 25 000 kms, Romain acheva son vélo-tour et raccorda la boucle en rentrant à Saint-Bauzille.

Ce fut là, dans ce village d’un millier d’habitants où il avait passé des vacances avec sa famille, réunie au sein de la spacieuse « Roseraie », qu’il imagina un projet qui rassemblerait les dynamiques agricoles découvertes au fil de son aventure. Il présenta son idée à Victoria, restée à New-York pour poursuivre son cursus universitaire en art et écologie. Cette dernière, constatant que la faculté n’était décidément pas faite pour elle, rejoignit Romain dans le petit village de l’Hérault pour mettre en pratique ses connaissances et se frotter à la réalité de la culture de la terre. Et parce que « planter des arbres, c’est penser à demain », le couple fonda l'association Les Jardins des Partages destinée à développer et gérer des jardins partagés au sein du village.

Au nombre de trois, ces jardins occupent chacun un rôle bien précis qui reflète les missions de l’association :



Le jardin des aubes


Situé aux abords de Saint-Bauzille-de-Montmel, au milieu de terres viticoles, ce jardin rassemble chaque dimanche les adhérents de l’association. Qu’ils soient habitants du village ou qu’ils viennent des communes alentours voire de Montpellier, ils y pratiquent l’agroécologie suivant les conseils de Victoria et Romain. Ce dernier a d’ailleurs suivi une formation d’animateur en agroécologie en 2017 auprès de l’association Terre & Humanisme (association de transmission des savoirs et savoir-faire agroécologiques).

Le jardin des aubes est en développement depuis deux ans et dispose actuellement d’une quinzaine de buttes de cultures et de quelques arbres fruitiers. Des bidons récupérateurs d’eau de pluie en ponctuent les extrémités, un compost siège en son centre et une sorte de pavillon de bois accueille les jardiniers le temps d’une pause conviviale ou pour le partage des fruits et légumes récoltés.



Une recette d’agroécologie pour l’hivernage des jardins :


1. ôter le goutte-à-goutte des buttes

2. enlever le vieux paillage

3. passer la grelinette

4. enlever les herbes vivaces et leurs racines


5. semer des engrais verts (graines de fèves, d’haricots, de pois…)

6.arroser abondamment et reposer le goutte-à-gou tte


Nous avons suivi cette recette, accompagnés de Romain puis en autonomie, pour préparer cinq des buttes du jardin à affronter l’hiver.



The Flower Garden - le jardin des fleurs

Il s’agit d’un jardin à visée pédagogique à l’attention des enfants. Installé sur un terrain public prêté par la mairie, il bénéficie d’une situation idéale, inséré entre le portail de l’école et le square. Son design, semblable à une fleur, est composé de cinq buttes en forme de pétales et c’est avec une spirale montante de plantes aromatiques que les curieux sont accueillis. Des panneaux détaillant la composition et le fonctionnement du jardin sont suspendus au grillage vert qui enserre le parc de jeux voisin. Au fond du potager, un hôtel en bois d’environ 1m50 reçoit les insectes pour passer l’hiver au chaud dans les interstices des différents matériaux qui le composent.



En plus de l’hivernage d’un des pétales cultivés, nous avons concentré nos efforts à la restauration des pièces d’un cadran solaire qui rayonnait au centre des pétales.

Il fut réalisé par des enfants du village durant un camp d’été organisé par The Wooden House. Portée par Victoria et Astrid, cette association favorise l’inter-culturalité et l’échange socio-culturel à travers des activités bilingues (français-anglais) abordant régulièrement des sujets écologiques.



The Love Garden - le jardin de l’amour



En face de leur maison, sur un terrain prêté par la voisine, Romain et Victoria entretiennent un potager accompagné d’une serre pour leur consommation personnelle mais pas que... Ce jardin est aussi un lieu d’expérimentations agricoles pour toutes les étapes de la croissance des plantes jusqu’à leur agencement au sein du jardin en prenant en considération leurs relations réciproques.

Nous y avons ramassé des légumes et coupé à ras les pieds des tomates récoltées. En prévision du départ de Victoria et Romain en Ardèche pour de nouvelles aventures que nous conterons plus loin, nous avons démonté les structures en bambous qui habillaient les buttes. Ce jardin avait été élaboré avec l’aide régulière de volontaires et nous étions là, défaisant ce qui avait été mis en place dans la sueur et les rires, tournant une page de l’histoire des jardins partagés.



Notre expérience de volontaires au sein du projet Les Jardins des Partages consistait également à prendre part aux communs de la vie familiale. Des menus travaux pour la maison aux tâches quotidiennes en cuisine, ces communs nous plongèrent dans l’intimité de Victoria et Romain, récemment devenus les parents de Séva, une merveilleuse petite fille de 7 mois et demi.

D’origine Sanskrit, son prénom résume à lui seul un état d’esprit vers lequel nous essayons de tendre à travers notre propre périple : un service désintéressé, un acte gratuit pour le bien-être de la communauté.

Bouba le chat fait sa sieste.

Le Pic Saint-Loup (gauche) et le Mont Hortus (droite). Pendant nos temps libres, nous découvrons les alentours...

...et parfois on part à la chasse aux matériaux...

...pour réaliser une sculpture, offerte à nos adorables hôtes.



Parmi ces communs, nous avons particulièrement apprécié la transformation des tomates vertes en conserves, en chutney et en salsa ainsi que la préparation de Thanksgiving.

La célébration de cette « Action de grâce » américaine intervient chaque quatrième jeudi de novembre pour remercier Dieu et les récoltes et honorer les bonheurs en tous genres vécus au cours de l'année. Ce jour de fête a pour racines historiques les premiers colons européens du Mayflower qui, en 1621, instaurèrent ce rite pour remercier les Indiens. Ces derniers étaient venus en aide à ces pèlerins dans leur installation aux portes de Cape Cod (Massachusetts) en leur apprenant à chasser et à récolter le maïs. Nous nous sommes donc impliqués dans l’organisation de ce moment familial et festif.

Ce fut l’occasion d’apprendre de nouvelles recettes culinaires avec Victoria qui, ne consommant aucun produit animal, avait préparé un menu adapté. Ainsi, pas de dinde. Cela tombait plutôt à pic puisque notre alimentation est à dominante végétarienne. Pour nos hôtes, Thanksgiving rimait avec altruisme, c’est pourquoi ils proposèrent à chaque invité d’apporter une affaire ou un objet de première nécessité qui remplirait un sac destiné à une femme vivant dans la rue. Le don eut lieu un mardi matin, dans un marché de Montpellier. Elle était hongroise et voguait dans la ville, ici et là, depuis près de quatre ans. Elle parlait peu français mais, lorsqu’on lui remit le sac, l’expression de surprise mêlée de gratitude qui apparut sur son visage ne réclamait pas l’emploi de mots.



L’association Les Jardins des Partages a également une intention culturelle qui s’observe à travers la tenue de manifestations telles que Les Fruitiers en folie.

Organisé durant deux jours, les 2 et 3 décembre, ce festival avait pour fil rouge la plantation d’arbres et d’arbustes fruitiers de variétés anciennes et natives. Le week-end précédant l'événement, nous nous sommes rendus au festival de l’Arbre, de la Plante et du Fruit à Saint-Jean-du-Gard pour acquérir ces plantes. Cette manifestation était un rassemblement d’amoureux de la nature où l’on eut l’occasion de discuter avec des acteurs de la vie alternative. Sans être exhaustifs, notre avons noté la présence de structures telles que les associations Kokopelli et Terre & Humanisme ou encore la branche viticole de la communauté Longo Maï. L’achat des plants pour Les Fruitiers en Folie a été financé grâce à la participation de villageois et autres bienfaiteurs de l’association. Ce festival fut rythmé par des animations et des ateliers pour enfants.

Le samedi après-midi, Romain proposa une animation agroécologique autour de l’arbre. Il nous guida à travers la forêt adjacente au jardin des aubes, dont il connaît chaque recoin. Cette promenade fut ponctuée d’activités ludiques qui nous questionnèrent sur la vie des arbres, leur importance dans l’écosystème planétaire et notre rapport avec eux. Un temps de méditation collective paracheva ce moment "arbolesque".

La journée du dimanche était bien remplie et démarra au jardin des fleurs par des ateliers jeune public et bilingues.

Tout commença par la pièce de théâtre The Giving Tree de Shel Silverstein, interprétée en anglais par Mathilde et Victoria et narrée par son amie Kim. Puis, s’en suivit un échange pour tenter de comprendre les différentes morales de l’histoire.


Enfin, nous avons animé des ateliers sur le thème de l’arbre.

Les enfants ont fabriqué leur couronne de feuilles, dessiné l’arbre de leurs rêves, retrouvé le nom des parties de l’arbre en anglais, peint sur des cailloux ce qu’ils avaient à offrir aux arbres plantés et qui ne peut s’acheter et, enfin, ils ont adopté leur arbre !

Sur les coups de 12h, une grande table fut dressée et garnie des plats concoctés par les participants. Une chanson écrite et composée par Victoria, en l’honneur des fruitiers, fut entonnée en chœur par les enfants et sonna l’heure du repas. Après cette pause, nous entreprîmes, tous ensemble, de planter une quinzaine d’arbres autour des pétales du jardin des fleurs ainsi que dans le village, près de l’ancien lavoir.

Cette journée festive s’acheva par la projection du court-métrage d’animation L’homme qui plantait des arbres réalisé par Frédéric Back en 1987 d’après le récit de Jean Giono. Ce superbe film, émouvant et juste quant à l’urgence de la sauvegarde de la biodiversité, devrait être diffusé dans toutes les écoles du monde. Le visionnage fut suivi de la conférence « De la connaissance des arbres à l’arbre de la connaissance » de Paul Moray, l’auteur de « Écoverger, un verger de nature frugale ». Son discours fut enregistré le 13 mars 1992 et transmis par l’agriculteur Paul Nicolas accompagné du diaporama d’origine.

Le festival Les Fruitiers en Folie rencontra un franc succès, donnant la certitude à Romain et Victoria d’avoir réussi le pari de sensibiliser un public local à une agriculture respectueuse de l’environnement et vectrice de sociabilité.


En créant Les Jardins des Partages, Victoria et Romain ont contribué à créer une communauté d’amateurs d’agriculture écologique fédérés autour d’activités à la fois potagère et culturelle. La transmission des savoirs agraires comme les projets éducatifs et culturels s’y établissent par le « faire ». Nous avons pu constater combien l’association et ses différentes activités sont facteurs de lien social et de dynamisme culturel local. Cette vitalité est impulsée par le couple fondateur dont la créativité, l’humeur légère et la générosité se répandent également dans leur quotidien. Nous y avons été très rapidement intégré comme des amis de longue date venus rendre visite. À ce sentiment s’ajoute la considération que tous deux nous portaient quant ils sollicitaient notre avis sur des questions liées à l’organisation et à la mise en œuvre du festival Les Fruitiers en Folie.


Après deux semaines passées à Saint-Bauzille, nous avons perçu des traits significatifs de la permaculture dans l’association Les Jardins des Partages. Dans les jardins, la culture des sols est biologique, c’est-à-dire sans ajout de produits chimiques et à partir de semences naturelles. Les outils employés pour travailler la terre sont manuels, les déplacements et les transports entre les jardins s’effectuent en vélo-carriole et l’eau de pluie y est collectée et réemployée. En outre, l’association alimente une collection de graines et met l’accent sur des variétés anciennes du pourtour méditerranéen, ce qui favorise le renouvellement des cultures endogènes. Les infrastructures et mobiliers des jardins sont bricolés à partir de matériaux recyclés à l’instar de l’incontournable palette en bois. Enfin, c’est à une échelle humaine que nous avons observé l’éthique permaculturelle. Nous l’avons nous-mêmes vécue à travers notre volontariat. Au-delà de l’aspect économique que ce dernier représente pour conduire des projets durables, il repose totalement sur l’échange humain. Celui-ci s’est traduit par des temps musicaux et de création artistique partagés. Qui plus est, la nourriture dont nous disposions était bio et locale. Entre les très bons repas et l’ambiance conviviale, nous étions conquis.


Toutes les expérimentations au sein de l’association ont amené Romain et Victoria à vouloir développer un nouveau projet de vie au sein d’un habitat collectif avec des amis. Actuellement, ils sont en phase de recherche d’un terrain en Ardèche pour y créer l’écolieu « Grain&Sens » dans lequel ils souhaitent vivre en accord avec leurs convictions, dans le respect de la nature et de leurs semblables. Ils projettent d’y faire se croiser des activités complémentaires, entre agriculture et alimentation, accueil, culture et apprentissage le tout dans un champ de bien-être.

Nous avons hâte de les rejoindre pour leur prêter main-forte et nous les remercions infiniment pour tout.





Posts Récents
Archives
Rechercher par Tags
bottom of page